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Mois 1 : Rumeurs et manigances, Interprétation, Parasite

 
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dervenn_coz
Apprenti écrivain


Inscrit le: 18 Déc 2011
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MessagePosté le: Sam Jan 21, 2012 7:38 pm    Sujet du message: Mois 1 : Rumeurs et manigances, Interprétation, Parasite Répondre en citant

  “J’ai peur. Je suis en train de changer. Moi qui étais toujours d’humeur égale, je suis maintenant nerveuse, colérique. Ce matin j’ai failli jeter mon chat par la fenêtre. Il avait eu le malheur de venir poser son petit nez humide sur mon visage, deux minutes avant la sonnerie du réveil. Je lui en voulais tellement de m’avoir volé ces deux précieuses minutes! Maintenant, je me rends bien compte que c’était ridicule. Mais sur le moment, tuer le chat me paraissait une réponse parfaitement proportionnée à la faute qu’il venait de commettre. Il faut dire que je suis fatiguée en permanence. Le simple fait de sortir du lit le matin me paraît une tâche insurmontable. Je croque les comprimés de vitamine C comme s’ils étaient des bonbons, mais ils ne semblent avoir aucun effet.”
  
  Le psychologue était assis, ses bras croisés appuyés sur un vieux bureau en bois sculpté qui sentait bon la cire. Son visage était assez banal, mais le petit sourire compréhensif qu’il affichait à ce moment le rendait agréable. Il ne fit aucun commentaire, se contentant d’adresser un signe de tête à Martine pour l’encourager à continuer.
  
  “Mes goûts, mes dégoûts deviennent imprévisibles. J’achète du steack hâché par paquets de dix, pour m’apercevoir pendant la cuisson que la simple odeur de viande me retourne l’estomac. Les quantités incroyables de bons morceaux qui finissent dans la gamelle du chat permettent de compenser un peu mes sautes d’humeur...
  J’ai vraiment peur. J’ai l’impression que différentes personnalités se battent pour prendre le pouvoir sur mon esprit. Par moments, je suis moi, calme et pondérée. J’apprécie les conversations badines avec mes amies. Rien de bien transcendent, nous ne refaisons pas le monde à chaque fois que l’on se voit, c’est sûr, mais je me sens bien par leur simple présence. Puis brutalement, je perds le contrôle, je deviens agressive. Je n’interviens plus dans le dialogue que pour faire des remarques acerbes. Je les déteste de s’intéresser à des sujets aussi futiles que la mode et le cinéma. Je veux parler de politique, de stratégie, de l’avenir de la nation... J’ai même cherché à diriger le sujet de discussion sur l’état actuel de nos forces armées. Bien entendu, mes copines m’ont prise pour une folle. Ce sont elles qui m’ont conseillé de venir vous voir.”
  
  Cette fois, le psychologue se leva et contourna son bureau. Son sourire se fit plus appuyé alors qu’il se dirigeait vers le divan, tendant une main pour aider Martine à se redresser.
  “Madame, vous n’avez aucune raison de vous inquiéter. Tous les changements que vous me décrivez sont parfaitement normaux. Ils ne sont que le reflet des modifications hormonales qui accompagnent la grossesse. Donner la vie est un acte à la fois merveilleux et terrifiant. Je comprends parfaitement que vous soyez angoissée. Je peux vous aider à maîtriser vos émotions, mais vous devez d’abord admettre que cette peur que vous éprouvez n’est pas liée à un trouble de votre personnalité. Vous vous faites simplement du souci pour l’enfant à venir. Votre instabilité émotionnelle sera beaucoup plus facile à supporter si vous en reconnaissez la cause. ”
  
  Éberluée, Martine suivit le regard du psychologue jusqu’à baisser les yeux sur son propre ventre. Elle avait l’air d’être enceinte de cinq ou six mois. Elle ne sut que répondre. Être enceinte à ce point et ne pas en avoir eu conscience jusqu’à ce qu’on le lui fasse remarquer, c’était du domaine de la psychiatrie clinique. Ce psychologue avait beau être très gentil et compréhensif, il ne pouvait certainement rien pour elle. Elle le remercia, signa un chèque dont le montant exorbitant n’avait plus aucune importance et quitta précipitamment le cabinet.
  Une vague de panique submergea Martine. Elle aurait pourtant juré qu’elle n’avait pas couché avec un homme depuis que Thomas l’avait quittée. Ce qui remontait à... un an et trois mois. Elle se sentit prise de vertige. Elle posa une main sur son ventre, comme si cela pouvait lui apporter une réponse. Mais son ventre était aussi plat et ferme qu’il l’avait toujours été. Martine eut à peine le temps de s’interroger à nouveau sur sa santé mentale avant de s’évanouir.
  
  Xalotl détestait qu’on le dérange pendant son retrait quotidien. Cet intervalle de répit où il laissait le corps libre de se régénérer sans son contrôle constant était indispensable pour maintenir l’équilibre. Cependant, l’onde mentale qui l’appelait avait la fréquence caractéristique d’une requête urgente. Il daigna y porter son attention, laissant sa conscience envahir à nouveau le corps qu’il occupait. Il focalisa toute sa puissance télépathique pour décoder le flux qui provenait de la Terre.
  “L’humaine a perçu mon influence sur sa psyché. Heureusement, les rapports de Mixarth sont exacts. Les hommes semblent croire qu’un gonflement important de l’abdomen peut être à l’origine d’une instabilité psychologique et comportementale. J’ai dû employer un demi chanax d’énergie pour modifier le corps que j’occupe afin de cacher ma présence à l’un de ses semblables. Mais l’esprit des humains exerce un contrôle très fort sur leur condition physique. Mon hôte a scanné ses souvenirs à la recherche d’une cause expliquant l’augmentation du volume de son ventre. N’ayant pas trouvé de justification satisfaisante, le corps a simplement rejeté la transformation. L’humaine était suffisamment désorientée pour que je débranche sa conscience le temps de vous appeler. Cependant, sa soumission est plus difficile que prévu. Le secret de ma mission est menacé. Je demande l’autorisation de changer d’hôte”.
  La situation devenait critique. Les chélicérops avaient perdu leur instinct de reproduction lorsque les Agrnii, le peuple que commandait Xalotl, avaient pris leur contrôle. Si les Agrnii ne trouvaient pas rapidement une nouvelle espèce hôte, ils risquaient de tous périr. Mais les recherches ne donnaient pas de bons résultats. Sur les différentes planètes qu’ils avaient explorées, les espèces dominantes avaient une conscience trop développée qui rejetait l’influence extérieure. Les Agrnii ne pouvaient tout de même pas se contenter d’emprunter des formes de vies inférieures! Xalotl était frustré. Toutes ces connaissances glanées sur les humains depuis plusieurs lunes n’avaient pas suffi pour endormir la méfiance naturelle de leur esprit. Au moins, la cohabitation de Maxolt avec l’esprit de l’humaine avait permis de dégager une nouvelle piste.
  “Tes rapports précédents indiquent que les humains partagent le pouvoir avec une autre espèce. Je t’accorde la permission de changer d’hôte. Essaie avec le chat.”
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ath
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Inscrit le: 29 Mai 2007
Messages: 20

MessagePosté le: Dim Fév 05, 2012 10:45 pm    Sujet du message: Parasite Répondre en citant

  Silk mordit violemment le bras de Tanier pour lui manifester la rage qui l'envahissait.
  - Eh, mais tu deviens fou, tu ne peux pas essayer de te dominer pour une fois ?
  Silk explosa.
  - Chaque fois c'est la même chose. Tu me traînes dans cette taverne en m'obligeant à me cacher sous ta cape, tu bois à en être malade et tu fumes des énormes cigares qui me donnent la nausée, et moi je dois comme un chien baisser la tête et me taire pour que l'on ne se fasse pas rouer de coups par la populace qui t'entoure. Tu peux m'expliquer quel plaisir tu as à ainsi m'humilier et me nier ? As-tu si honte de nous ?
  Cette fois Tanier ne réussit pas à échapper à la dispute par un mot fin ou en ignorant son frère. Il venait de comprendre combien celui-ci était blessé.
  - C'est vrai je t'en demande beaucoup, mais j'ai besoin de me mêler aux gens, j'ai besoin de les voir vivre autour de moi, d'avoir la sensation de faire partie de leur communauté. Tu sais que s'ils te découvraient ils nous considéreraient pour toujours comme des bêtes, qu'ils nous humilieraient, qu'ils nous tueraient peut-être. Même le prêtre n'a pas voulu de nous quand mère a essayé de nous confier à l'église, et si elle n'avait pas accepté de renoncer à vivre en Talédonie avec notre tisserand de père pour s'enterrer dans la forêt de Jarl nous aurions été égorgés comme deux petits marcassins.
  En réalité je comprends ta jalousie à ne pouvoir faire comme moi, mais toi tu peux me faire ce cadeau. Ne peux-tu donc m'offrir ce bonheur-là ?
  Silk pleurait en silence. En vérité il ne savait comment le refuser alors que lui même aurait donné n'importe quoi pour vivre à découvert, pour courtiser une femme, acheter une ceinture à un étal de marché. Et pourtant à ce moment précis il savait qu'il n'arrivait toujours pas à en faire le deuil. La morsure lui faisait mal.
  - C'est bon, viens il faut nettoyer ça. Je ne pensais pas que je nous avais autant blessé. Je veux bien retourner à l'auberge dans deux semaines mais promets moi que les jours précédents tu me laisseras tous les morceaux de tarte que mère nous servira. Notre ventre en profitera pareillement mais mon palais plus que le tien.
  Tanier passa la main derrière son épaule pour frôler la tête de son frère dans un geste de reconnaissance. Silk ne pouvait en faire autant, incapable de gouverner leurs deux bras mais il pouvait encore embrasser l'épaule de son frère et poser sa joue contre lui.
  - Vois-tu, mère a raison, tu auras beau courir ou m'ignorer j'obtiendrais gain de cause, je serais toujours sur ton dos.
  Les deux siamois reprirent leur chemin dans le sous-bois songeant chacun de leur coté au poids de ces mots.
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brendigoo
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MessagePosté le: Mar Fév 21, 2012 9:03 pm    Sujet du message: Nouvelle longue pour le mois de Janvier. Répondre en citant

  Prologue
  Blenar n'avait plus que quelques heures à vivre et il devait faire vite.
  Pour le moment il était en parfaite santé, du moins pour un homme de quarante ans ayant vécu plus de dix ans seul, en dehors de la bulle d'Oprius. Mais les prédictions du Tombeau s'avéraient toujours exactes. D'ici le coucher du soleil, il serait mort.
  Blenar chercha avec hâte son hologramme familial. De tout l'attirail électronique qu'il avait emporté dans sa fuite lui seul était encore intact. Curieusement, les orages de Nobsus et les Parasites l'avaient épargné. En tâtonnant dans l'obscurité il finit par retrouver la petite cache où le holo était dissimulé. Il l'ouvrit.
  Une vague de nostalgie et de culpabilité l'envahit.
  Angélique souriait, les yeux plissés, leur fils dans les bras. Blenar caressa le visage de sa femme, s'attarda sur celui de son fils. Il les avaient abandonnés. Des larmes tombèrent à travers l'image en relief et mouillèrent le support qui la produisait. Il n'avait plus le temps. Et puis les regrets ne servaient à rien.
  Dehors, une nouvelle tempête faisait rage. Un coup de tonnerre tonitruant le fit sursauter.
  Vite, se dépêcher.
  La mort allait le moissonner. Il ne savait pas comment, ni pourquoi. Mieux valait ne pas savoir d'ailleurs. Seules comptaient les dernières injonctions du Tombeau. Enregistrer le message sur le holo et le coder avec le souvenir de la naissance de son fils. Curieuse idée.
  Quinze ans en arrière. Il fallait se rappeler.
  Leur arrivée à bord du seul vaisseau rescapé, Le Renaissance. Leur errance dans les steppes désertes de Nobsus. Le premier camp, dans la vallée, qui deviendrait Oprius en l'espace de quelques années seulement.
  La naissance, Blen, la naissance d'Arthur. Souviens-toi.
  Était-ce lui qui s'exhortait à se rappeler, ou bien le Tombeau ? L'imminence du danger lui permettait peut-être de s'imposer malgré la distance. Les jours d'orage Il était toujours plus clair, plus audible.
  En quelques minutes, à force de faire le vide et de se concentrer Blenar parvint à se mettre en transe. Dès lors s'immerger dans le passé fut plus aisé. Les souvenirs déferlèrent, d'un coup. Des images, saccadées, comme un rêve.
  L'hôpital, et son odeur de détergent. L'attente tandis que l'on procède à la césarienne, juste à côté. Une infirmière lui demande de venir. Puis les cris. Les cris du nourrisson, son fils, leur fils, mais aussi, juste après, d'autres cris. Des cris de panique, le hurlement de la sirène qui sonne l'alerte. On court dans les couloirs. Le médecin hésite. Les infirmières s'enfuient. Dans la salle les néons grésillent puis rendent l'âme. Le médecin a l'air désolé, mais il s'enfuit aussi. Tempête de niveau cinq, entend-il. La bulle n'est pas encore construite. Face au chaos ne reste plus que la peur.
  Angélique gît inconsciente sur la table. Lui tient son fils. Le cordon intact pend.
  
  Tandis que les souvenirs déferlaient dans la petite boîte métallique, Mendel observait l'entrée de la caverne. L'ermite avait presque rempli son rôle. La silhouette du kramor se détacha sur les parois, à la faveur d'un éclair. L'ermite ne pouvait pas le voir. Encore quelques instants. Retarder l'attaque du kramor. Mendel puisa dans ses réserves pour s'adresser directement à l'animal. Instincts primaires, conscience quasi nulle. Un mâle. S'appuyer sur ce fait. Mendel tissa l'odeur d'une femelle kramor autour de l'homme assis. La bête arrêta son geste. Sa patte bardée de piquants se posa doucement sur le sol. Le kramor renifla son repas, désorienté. Femelle, nourriture. Pas forme de femelle. De confusion, il enfonça la plus grosse pique de sa patte dans le crâne de la créature. L'odeur disparut. Juste odeur de viande. Bonne viande en plus. Rare.
  La conscience de Mendel reflua. L'ermite avait rempli sa mission. Le holo gisait dans le sang, prêt à accomplir son dessein.


Dernière édition par brendigoo le Dim Mar 04, 2012 8:14 pm; édité 5 fois
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brendigoo
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MessagePosté le: Mar Fév 21, 2012 9:05 pm    Sujet du message: Chaître 1 Répondre en citant

  Chapitre 1
  
  Ned arriva le premier en haut de la crête. Il posa un pied sur une pierre et mit sa main en visière pour se donner des airs de chasseur. Sa soeur le rejoignit, encore essoufflée de son escalade et aussi à cause l'altitude.
  - Les Trolls sont passés par ce sous-bois, expliqua le garçon de sa voix fluette. En pressant l'allure nous pouvons espérer les rattraper avant...
  - Ned ! » l'interrompit Limèle.
  - Quoi ?
  - Tu veux bien arrêter deux minutes ton histoire, s'il-te-plaît. J'aimerais profiter du paysage en silence.
  Depuis deux cycles Limèle ne voulait plus jouer avec lui. Leurs escapades perdaient du coup un peu de leur charme. Ned maugréa mais n'insista pas. Il s'éloigna en fauchant l'herbe avec son épée en bois.
  Sa sœur défit leur paquetage. Il l'observa s'affairer, à sortir les galettes préparées la veille par Mamby. Leur ancienne nourrice préparait toujours pour le double de personnes. Limèle s'allongea. Cheveux blonds, yeux verts, bouche en coeur. Une vraie princesse, songea Ned. Il savait bien qu'on ne devait pas épouser sa soeur, mais à force d'être son chevalier servant, il ne voyait pas d'autre façon de conclure leurs existences. Et puis, à part vieille Mamby et les quelques domestiques du château, il n'y avait aucune fille digne de retenir son attention.
  Les yeux de Limèle s'agrandirent et un sourire illumina son visage.
  - Regarde Ned, lui cria-t-elle. Un pégase !
  Il tourna la tête mais ne vit rien que les nuages duveteux. Il se demanda si elle lui jouait quelque mauvais tour. Il s'apprêtait à répondre quand un cheval ailé surgit du bosquet en rasant l'herbe. L'animal s'ébroua et s'avança fièrement en renâclant, les ailes pas encore complètement repliées, comme s'il voulait se garder une chance de repartir en vitesse.
  - Tout doux mon beau, tenta de le rassurer Limèle.
  Ned jeta sa galette, s'empara de son épée et se posta près de sa soeur.
  - Arrête, tu vas l'effrayer.
  - Et s'il te fonce dessus, hein ? Tu y as réfléchi ? Ton arc est là-bas avec tes affaires.
  - Parce que tu crois que c'est avec ce bout de bois que tu pourrais me protéger ? Recule, s'il-te-plaît et laisse moi faire. Je le reconnais, c'est Pégasus. Père l'avait programmé pour qu'il reste dans son enclos. Il a disparu il y a deux décades. Son traceur ne fonctionnait plus. Papa m'a expliqué que cela arrivait parfois aux vieux animaux. Mais Pégasus est tout jeune.
  Elle appuya sur le rubis de son bracelet et le cheval s'immobilisa.
  - Tu ne devrais pas faire cela, la tança Ned. S'il s'est enfui, c'est pour une bonne raison. Réactive-le. C'est pas gentil. Et puis c'est de la triche.
  - Non, trancha Limèle.
  Ned n'aimait pas quand elle prenait ses faux airs de commandante.
  - Je vais le laisser ici. Nous préviendrons père quand nous serons de retour au château, dans quelques jours. Ramasse ta cape, Ned. On y va.
  Il récupéra ses affaires, mais ne la rejoignit pas tout de suite. Le cheval ailé le captivait. Comme sa soeur ne le regardait plus, il s'en approcha prudemment. Des muscles puissant saillaient sous une peau fine que dissimulait mal un pelage erratique. Les immenses ailes reposaient à présent sur l'herbe, comme deux grand bras inertes. Ned se pencha et caressa les plumes du dos de sa main. Elles étaient encore plus douces que celles des poules. Il s'approcha encore et posa une main sur le nez du cheval. Son haleine tiède lui chatouilla les doigts. Ned ne comprenait pas bien comment fonctionnait le bracelet de Limèle, mais il n'aurait pas voulu être à la place de la bête. Se trouver prisonnier de son propre corps ne devait pas être très agréable. Il plongea son regard dans les pupilles de l'animal, fasciné.
  - Si je pouvais faire quelque chose je le ferais, crois moi, s'excusa-t-il. Je n'ai pas encore l'âge d'avoir un bracelet comme ma soeur.
  Alors qu'il savait la chose impossible, il lui sembla que le pégase venait de cligner de l'oeil. Il recula, perplexe, mais sa soeur lui cria de se dépêcher.
  
  Ils passèrent le reste de l'après-midi à descendre le long de l'autre versant. Ned connaissait le chemin. Depuis ses sept ans il était déjà venu trois fois. Une fois avec son papa et les deux autres avec Limèle.
  Au début de l'après-midi, il avait jeté des coups d’œil discrets vers la crête qui s'éloignait. La silhouette de Pegasus se découpait dans les rayons bleus du soleil, qui tournait autour de la montagne. Craindrait-il le froid de la nuit ? Il aurait voulu en discuter avec sa soeur, mais il n'avait pas envie qu'elle recommence à se fâcher.
  La nuit tombait quand ils gagnèrent la cabane du forestier. Un bon feu brûlait dans l'âtre. Sa soeur préparait le souper. Lui contemplait les étoiles sur le seuil.
  - Limèle ? Tu sais pourquoi les étoiles vibrent ? Papa me l'a déjà expliqué mais j'ai oublié.
  Sa soeur se rapprocha, une brochette encore fumante à la main.
  - Parce ce que le ciel vibre. Le soleil et les étoiles vibrent parce qu'ils sont derrière le ciel. Ce ne sont pas eux qui vibrent, mais le ciel, Ned.
  - Ah oui, s'enthousiasma le garçon. C'est cela. A cause du ciel. Et le ciel, Limèle, pourquoi il vibre ?
  - Parce que les Dieux l'ont créé ainsi.
  - Comme Pégasus ? Ce sont les Dieux qui l'ont créé ?
  - Non. Pas Pégasus. Lui c'est père qui l'a créé.
  - Papa est un peu comme un dieu alors, non ? Je veux dire, comme il crée des choses ...
  - C'est plus compliqué que cela.
  Elle lui déposa un baiser sur le front et rentra se réchauffer.
  La nuit tombe et quand la nuit tombe...?
  Les bêtes sortent chasser, compléta-t-il, lassé en haussant les épaules. Je sais Limèle. Je vais rentrer.
  
  Ned utilisa le baquet d'eau que sa sœur lui mit à disposition. Puis il soupa. Le bain l'avait délassé et ses paupières ne demandaient qu'à se fermer. Une fois au chaud sous ses couvertures, il s'abandonna à un sommeil bien mérité. Mais Limèle en décida autrement.
  - Ned ?
  - Quoi ? » ronchonna-t-il.
  - Demain nous nous rendrons à la forêt interdite.
  - Hein ?  » Il se redressa si vivement que son front heurta l'étagère qui le surplombait. « Si papa l'apprend, continua-t-il en se frottant le front, on sera privé de balades pendant des semaines. »
  - Tu as peur ? » insinua-t-elle.
  - Peur ? N'importe quoi. C'est juste que j'ai pas envie d'être puni.
  - Entendu. Tu m'attendras ici alors. J'irai seule.
  Ned hésita. La forêt interdite délimitait le monde qu'ils étaient autorisés à explorer. Entrer dans la forêt cela signifiait quitter le territoire défendu par les arpenteurs, les gardes au service de leur père qui assuraient la sécurité aux abords du château. Limèle lui racontait parfois des histoires sordides sur la forêt, sans que leur père ne le sache.
  - Non, c'est bon. Je viendrai, dit-il finalement. Je ne voudrais pas que tu affrontes toute seule les Trolls.
  Il s'efforça de sourire, mais sans conviction.
  
  Au petit matin, Limèle avait déjà tout préparé. Ils marchèrent jusqu'au soir, ne s'arrêtant que pour de brèves haltes. La forêt se densifia, se peuplant d'espèces inconnues de Ned, aux troncs si hauts que le ciel disparu. Le garçon s'amusa à compter les tâches de lumière sur le sol. Elles se firent rares puis disparurent. Ils n'avaient pas encore pris leur repas de midi qu'on avait l'impression d'être le soir.
  Ned commença à chanter, pour se rassurer.
  - Toi aussi cette aventure te met de bonne humeur ? », s'enthousiasma sa soeur.
  Elle souriait et inspirait la moiteur des bois à grandes goulées. Ned hésita.
  - Je ... je m'ennuie. C'est pour cela que je chante, Limèle. On trouve rien dans cette forêt. Même les animaux se font discrets. On marche depuis des heures et tout ce que l'on va arriver à faire c'est se perdre. Je suis fatigué. J'en ai marre.
  En voyant l'expression de sa sœur, il regretta derechef de s'être confié. En un instant elle fut sur lui. Elle l'empoigna et le souleva du sol d'une seule main. Le col de son manteau l'étranglait.
  - Ned, écoute-moi bien. Cela fait six ans que je veux l'explorer cette forêt, six ans ! Tu comprends pas que j'en ai marre de fréquenter toujours les mêmes coins, de voir toujours les mêmes personnes. Il y a d'autres lieux, derrière cette forêt, d'autres possibilités, d'autres gens, j'en suis sûre. J'en ai marre d'être consignée au château et aux vallées alentours. A chaque fois qu'on était assez près pour faire un saut dans cette forêt, il y avait toujours un de ces maudits arpenteurs pour nous tomber dessus. Ils nous surveillent, Ned. On n'est... on n'est que des prisonniers. Ou, en tout cas, cela revient au même. Tu sais que j'ai dû voler les codes de père pour modifier nos traceurs. C'est pour cela qu'ils nous foutent la paix. Ils nous croient encore à la cabane. Alors arrête avec tes jérémiades, tu veux.
  Elle le relâcha et il put à nouveau respirer. Cela faisait des cycles qu'il sentait la colère croître chez sa soeur. Il commençait à comprendre pour quoi. Il la regarda s'éloigner puis regarda derrière lui. Il pourrait peut-être rebrousser chemin. Peu envieux de tenter sa chance, il courut la rattraper en songeant à tout ce qu'elle venait de lui révéler.
  
  La nuit vint les cueillir, avec un froid dont il n'avait pas l'habitude. Le feu refusait de prendre. Sa sœur s'escrimait sur son bracelet mais celui-ci semblait cassé.
  - C'est pour cela qu'il ne fallait pas aller dans la forêt, commenta Ned.
  Rien de tel pour l'énerver. Elle s'apprêtait à le tancer quand des hurlements retinrent son attention. Ned se précipita dans ses jambes.
  - Lâche moi, froussard. C'est juste des loups. Ils ne peuvent rien...
  Son regard tomba sur son bracelet, à présent inutile.
  - Bon, viens. On va monter dans cet arbre.
  Elle l'aida à atteindre les branches les plus hautes. Ned ne voyait plus le sol. Il s'agrippait de toutes ses forces à sa sœur. Leur abri précaire constitué de fibres tressées à la hâte, dans le noir, ne lui inspirait aucune confiance. Les loups continuaient de hurler mais ne se rapprochaient pas de leur arbre, a priori.
  - Lâche moi, Ned, tu me fais mal.
  
  Ned fut réveillé par un rayon de lumière qui filtrait à travers les frondaisons. Il avait failli chuter à plusieurs reprises. Limèle l'avait finalement attaché à elle. Les liens avaient laissé de vilaines traces sur son ventre.
  Il milita pour qu'ils quittent sans tarder cette maudite forêt mais Limèle, qui avait étudié secrètement les cartes au château familial, savait que la fin de la forêt était proche. Les cartes ne mentionnaient pas ce qu'il y avait au-delà. Des hachures en délimitaient la fin, simplement.
  Ils se remirent donc en route. Une nouvelle journée s'écoula presque quand Ned entendit sa sœur jurer devant lui. Elle recula d'un pas et se mit à regarder en l'air comme si elle était face à un mur.
  - Mais tu saignes, lui dit-il en voyant un filet rouge lui dégouliner du nez.
  Elle ne répondit pas. Sa main épousait une surface invisible comme pour en chercher les limites.
  Ned s'approcha prudemment. Une sorte de vitre aux reflets bleus se dressait devant eux. L'examen de Limèle leur révéla que la surface était immense. De l'autre côté la forêt s'arrêtait net. Ned colla son nez à la paroi pour mieux voir. De curieuses statues étaient baignées par une lumière spectrale qui provenait du sommet d'un arbre sans branches ni feuilles et qui se terminait en cou de cygne.
  - Regarde, il y a des gens qui viennent, lui dit sa sœur en désignant un endroit sur la vitre.
  Deux garçons étrangement accoutrés les pointaient du doigt. Ils se mirent à courir dans leur direction.
  Limèle restait collée à la vitre, fascinée.
  - Viens, lui dit-il. Ne restons pas là.
  Il lui tira sur le bras pour qu'ils s'en aillent mais d'un coup de pied elle l'envoya valdinguer en arrière. Elle tapait sur la vitre pour attirer leur attention. Ned se releva et se cacha derrière un tronc pour observer ce qui allait se passer.
  
  Suite à venir...
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